Lorsque l’on entre dans un théâtre de l’opéra chinois, la première chose que l’on remarque est une tenture en couleurs éclatantes somptueusement brodée. Ensuite, on verra les acteurs monter sur scène au son des instruments de musique à cordes et en bambou ou aux bruits fracassants des gongs et des tambours.
Parmi les artistes qui défilent sur scène, il pourrait y avoir tout d’abord un beau jeune homme robuste en costume de guerrier, qui fait des culbutes et qui montre son habileté en arts martiaux. Puis pourrait apparaître une jeune femme coiffée par des rangs de perles et habillée en brocart et broderie en soie, chantant avec une voix mélodieuse et exécutant une danse gracieuse. Ensuite, il pourrait y avoir le célèbre Roi des singes, Sun Wukong, de l’opéra Pérégrination vers l’Ouest, avec ses tics spécifiques, qui se gratte et qui fait des farces. Ces personnages sont tous représentatifs de l’opéra national traditionnel chinois, appelé aussi l’opéra de Pékin 平劇 .
Aller à l’opéra a été pendant longtemps un divertissement populaire dont jouissent aussi bien les gens ordinaires que la famille royale et l’aristocratie chinoises. De nombreux lettrés et savants ont même participé à la composition des scénarios et de la musique. Les empereurs historiquement célèbres sont considérés comme les « pères honoraires de l’opéra chinois » pour leur soutien enthousiaste à l’art et surtout pour leurs connaissances techniques musicales. L’empereur Minhuang de la dynastie de Tang (712-715, appelé aussi Xuan Zong) a même fondé 梨園 l’Académie du Jardin de Poire, une troupe de spectacle de musique et de danse au sein de la cour. Plus tard, la profession du chanteur de l’opéra chinois a été appelé « le métier du Jardin de Poire » et les acteurs « les disciples du Jardin de Poire ».
Les livrets des opéras de Pékin, qui combinent souvent la tragédie avec la comédie, sont parsemés de chant, de danse et de narration poétique afin d’adapter pour la scène les événements historiques et les légendes populaires. Un autre style de représentation, c’est le dialogue rendu dans un langage proche de celui de tous les jours et la pantomime exécutée avec des gestes quotidiens ordinaires. Ce style reflète de façon humoristique et satirique la réalité de la société tout en étant éducatif et divertissant.
Etant un art théâtral dit « économique », l’opéra chinois avait à l’origine seulement une scène en plein air avec une seule toile de fond et les trois autres côtés ouverts. Le décor est extrêmement simple. Il comprend une table, qui pourrait servir de pupitre, de bureau de fonctionnaire et même de colline ou de pont. Les transitions d’espace d’un endroit à l’autre sont faciles et économiques.
Actuellement, l’opéra chinois moderne, se présente sur une scène en forme de cadre. Le système de mise en scène, la conception professionnelle du décor et des lumières ont été petit à petit introduits. Ces nouvelles caractéristiques servent à enrichir et à perfectionner l’effet de la représentation sans pour autant affecter le style traditionnel de l’opéra.
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Les personnages de l’opéra de Pékin se différencient par le sexe, l’âge et la personnalité. Les quatre types de personnages principaux sont le 生 Sheng , le 旦 Dan , le 淨 Jing et le 丑 Chou.
Sheng est un personnage masculin, qui se subdivise à son tour en 老生 Laosheng, 小生 Xiaosheng et 武生 Wusheng. Laosheng ou vieux lettré est un homme d’un certain âge qui porte une barbe et qui prononce son texte d’une façon imposante et sérieuse. Xiaosheng ou jeune homme est un gentilhomme aimable et courtois qui joue souvent le jeune amoureux impétueux. Wusheng ou guerrier est habile en arts martiaux ; c’est à cette catégorie qu’appartient le rôle espiègle du roi des singes, Sun Wukong.
Dan (interprétée traditionnellement par les acteurs) indique les divers rôles féminins, notamment 老旦 Laodan, 青衣 Qingyi, 花旦 Huadan, 武旦 Wudan et 兵馬旦 Bingmadan. Laodan est une femme âgée dont le style de chant est proche de celui masculin d’un Laosheng. Qingyi, habillée en bleu, est une jeune femme ou d’un certain âge qui reste vertueuse, sérieuse et raisonnable. Huadan ou Dan de fleur pourrait être ingénue, innocente et vive, ou bien coquette et acariâtre. Wudan, martiale, est une combattante habile qui joue souvent le démon des mythes. Bingmadan, Dan de cheval et de sabre, se situe entre le Huadan et le Wudan : elle peut être un général-femme qui est courageuse, ouverte et en même temps adroite en lettres qu’en matières militaires.
Jing est un personnage masculin très adroit, soit franc et direct, soit intrigant et rusé. Son visage peint est légèrement exagéré pour que son rôle soit identifié d’un coup d’œil. Les motifs et les couleurs employés pour le maquillage facial ont tous leurs significations spécifiques, par exemple, le rouge symbolise la loyauté et le courage ; le noir, audace et fougue ; le bleu, un caractère calculateur ; le blanc, trompeur et perfide. L’argent et l’or sont réservés à l’usage exclusif des dieux et des esprits. Un visage maquillé de façon uniforme est appelé « visage complet » ; un visage, constitué de nombreux éléments divers, est nommé « visage fragmenté ». Le visage peint donne non seulement l’information concernant les traits de la personnalité et l’état d’âme du personnage, mais a également un intérêt artistique par lui-même.
La tradition qui a évolué autour du Chou, ou le personnage du clown, est très spéciale. Chou est un personnage facétieux, satirique qui se faufile dans l’intervalle comique impromptu de la représentation pour amuser les spectateurs. Il sort également souvent du livret pour faire des commentaires objectifs sur ce qui se passe dans l’histoire, ce qui constitue un style de représentation particulier qui est traditionnel à l’opéra national.
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Les costumes portés par les acteurs de l’opéra chinois se sont surtout inspirés des vêtements courants en Chine d’il y a environ quatre siècles pendant la dynastie de Ming. Les manches flottantes exagérées, les guidons insérés sur le dos des costumes des officiers militaires et les plumes de faisan dans les couvre-chefs ont été ajoutés pour intensifier l’effet théâtral de la chorégraphie de scène. Ces touches supplémentaires font ressortir les différents niveaux de gestes ainsi que les rythmes des mouvements. Tout comme le maquillage facial, les costumes révèlent beaucoup sur le personnage qui les portent tout en restant esthétiquement attirant. Dans le passé, les chanteurs de l’opéra chinois préféraient plutôt porter un costume usé et déchiré qu’en endosser un qui ne représente pas correctement le personnage qu’il jouait.
A travers des siècles les acteurs ont développé une série de formules sophistiquées et symboliques de représentation traditionnelle. Les barbes portées par les personnages, les manches flottantes, les éventails et les rubans en satin colorés utilisés en danse, ainsi que les armes employées en combat et les différents types d’étendards représentaient tous le prolongement des membres du corps humain. Il nécessite d’un haut niveau d’habileté pour les manipuler et ils renferment de riches significations théâtrales. Les acteurs doivent débuter en recevant un entraînement strict dès un très jeune âge pour être capable de réussir naturellement et avec une parfaite aisance le chant et le style de récit, les mouvements des yeux, les gestes des mains et la démarche, afin de traduire les pensées et les émotions des personnages.
Auparavant, cette forme théâtrale avait tendance à être un « théâtre pour les acteurs ». Ces derniers font appel à la tradition, dans laquelle ils étaient versés pour donner des interprétations improvisées.
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Situé sur la gauche de la scène, l’orchestre de l’opéra chinois regroupe des joueurs de 月琴 (luth en forme de lune), de 二胡 (cistre chinois à deux cordes) et les batteurs de tambours qui apportent de l’accompagnement musical. Ces joueurs ont dû cultiver un haut niveau d’entente tacite et de coordination avec les acteurs au fil des années de travail ensemble pour pouvoir suivre la représentation et coopérer avec eux de façon adéquate. |